Chapitre 1
L'Irlandais venait de dépasser la côte - 640. Au bout de la corde, sa lampe se balançait comme une luciole en folie, explorant les parois du gouffre.
Penché par dessus la maigre corniche du point - 484, Jacques Lemaire surveillait sa progression. Le treuil chuintait doucement, laissant couler le filin dans la pénombre du gouffre.
Un léger choc sur la plate-forme, lui appris qu'Adriana venait de poser le pied derrière lui.
- C'est étroit, dit elle en décrochant son mousqueton de la corde de descente pour le fixer aussitôt sur le filin que Greg avait pitonné contre la paroi. On ferra juste une étape ici, poursuivit elle, on ne peut rien stocker.
Jacques approuva d'un hochement de tête. Toute son attention était concentrée sur la petite lumière, en bas, qui s'agitait comme un feu follet, et sur les mouvements du treuil qui déroulait inlassablement des mètres de corde vers cette obscurité hostile et qui semblait sans fond.
Deux semaines plus tôt, la sonde s'était arrêtée à - 1200 mètres. Ils avaient entamés leur exploration depuis plus de trois heures. Trois heures d'une descente hasardeuse, cherchant désespérément des points d'appuis ou des corniches comme celle sur laquelle ils étaient, mais les parois étaient lisses, comme vitrifiées par le passage d'un forêt géant.
Soudain le treuil s'arrêta, la lumière en bas semblait immobile.
- J'ai une plate-forme, annonça Greg dans la radio, nous allons pouvoir faire un palier là. Jacques soupira, le temps que les autres les rejoignent ils allaient pouvoir souffler.
- Je t'envoie Adriana et un peu de ravitaillement, répondit il, tu dois commencer a fatiguer non ?
- Oui ! une belle paire de fesses et une pinte de bière voila de quoi redonner du cœur a l'ouvrage à un honnête homme.
Jacques sourit, ce soudard d'Irlandais était décidément incorrigible. Depuis plus de vingt ans qu'ils travaillaient ensembles, le géant roux, grand consommateur de jus de houblon et coureur de jupons, n'avait jamais laissé passer une occasion de faire une plaisanterie grivoise.
- La paire de fesses arrive, annonça la jeune femme, apparemment pas choquée et en se penchant sur le vide comme si elle voulait voir son interlocuteur, mais elle a aussi une paire de mains qui pourraient bien mettre du rouge sous tes tâches de rousseur si tu y touche. Quand à la pinte, tu devra te contenter d'eau plate.
- Arrive toujours rabat joie, je me sens seul ici ! Répondit la voix au fond du gouffre, se répercutant à l'infini sur les paroles lisses.
Le filin était remonté, et Adriana s'accrochait à son tour. Son sac à dos contenait de quoi satisfaire l'appétit gargantuesque du géant roux.
- Je t'ai laissé des biscuits et de l'eau, lançât elle à Jacques avant de disparaître à son tour dans les profondeurs.
Il jeta un merci plein de reconnaissance, toujours sans lâcher le treuil de l’œil. Cette fois il avait réuni une bonne équipe. Ils étaient sur le site depuis plus de deux mois, perdus dans le nord de la Chine, entre un désert et une zone militaire, accompagnée par une horde de soldats suspicieux et de l'incontournable géologue Chinois qui fourrait son nez partout. Il avait fallu toute la diplomatie de Célia, l'attachée de presse et de l’ambassadeur des États Unis, pour obtenir enfin des autorités locales, l'autorisation de descendre.
Le gouffre s'était ouvert, dans cette région reculée et sauvage, dans le courant de l'année 2012, suite à un violent séisme. Ou alors, le séisme en avait découlé !
Les Chinois avaient d'importantes installations militaires dans cette région. Il avait fallu des photos satellites sur Google Earth et la curiosité de quelques internautes, pour que l'anomalie soit enfin révélée. Sous le couvert d'un visa touristique, Greg avait réussi a faire un premier voyage sur le site, et a ramener des photos et des prélèvements. C'était un trou étonnamment circulaire, comme si un immense pieu s'était planté dans cette roche volcanique, au nord de Jiuquan, à la lisière du désert de Gobi.
- Non avait dit Greg, alors qu'ils se penchaient sur les premières photos avec Jacques. Regarde la forme festonnée des bords du trou. On dirait plutôt que quelque chose est sorti de terre avec une violence inouïe.
- Mais il n'y a pas de roches de rejet autour.
- Je sais, on dirait l'explosion d'une poche de gaz, mais une poche qui aurait affleuré le sol.
- Tu as pu estimer la profondeur ?
- Non, je me suis fait ramasser très vite par les militaires.
Le rapport fait par Greg, les quelques échantillons et les photos qu'il avait ramené avaient très vite intéressé l'institut géologique Américain, et il avait été décidé de mettre une expédition sur pied pour aller regarder ce phénomène de plus près.
La suite avait été plus compliquée. Il avait fallu plus de deux ans a l'USCG pour convaincre le prudent ambassadeur de Chine qu'une exploration du gouffre ne pouvait en aucun cas mettre en péril ses installations et ses secrets militaires et que quelques scientifiques n'étaient en aucun cas une troupe d'espions Occidentaux. Jacques, en bon expert géologue, avait argué que de telles poches de gaz, si elles étaient répandues dans la région, pouvaient, quand à elles, devenir de véritables dangers. Finalement, le gouvernement Chinois avait accepté a condition que l'expédition comprenne un scientifique national. Le principe posé, il avait fallu une bonne année de plus pour que Jacques arrive a rassembler une équipe capable de répondre a toutes les questions que ce curieux phénomène pouvait poser.
Outre l'Irlandais et lui même, jacques avait recruté Adriana Véroff, spéléologue amateur, certes, mais éminente sismologue, qui tenterai de comprendre la chronologie des événements. Elle possédait en outre, ce qui n'était pas négligeable, de sérieuses connaissances médicales. Le quatrième était Sergio Scabri, ténébreux Sicilien, étonnamment silencieux, pour un Italien, mais gestionnaire efficace et surtout mécanicien de génie. L'équipe au total comportait une douzaine de personnes, mais cinq seulement descendraient en exploration. C'était l'incontournable spécialiste Chinois, qui compléterait le groupe des spéléologues. Il s'appelait Chen Wei et Jacques le soupçonnait fort de n'avoir de scientifique que le nom, et d'être surtout là pour surveiller les agissements du groupe.
Il avait été décidé, après de longues et fastidieuses discutions, qu'il descendrait après Adriana, pour aider Sergio a faire suivre le matériel.
Adriana s'était enfin posée sur une légère excroissance de rocher, mais prolongée par une cavité suffisamment profonde pour accueillir un camp intermédiaire et servir de base de départ pour le reste de l'exploration. Là aussi, les parois semblaient lisses et comme fondues sous l'effet d'un énorme chalumeau.
- Tu as déjà vu ça, demanda le géant roux, au moment ou la jeune femme, après s'être détachée du filin de descente, balayait de sa lampe frontale le plafond de la grotte.
- C'est fou, dit elle, on dirait que la lave a refroidi autour d'un objet qui a disparu.
- Et d'un objet qui serai passé ou ?
Ils étaient encore entrain de faire le tour, examinant les parois lisses et noires, lorsque Jacques posa pied à son tour. Sur le palier supérieur, le matériel arrivait déjà et Chen faisait descendre les premières caisses.
Le restant de la journée fut consacré a l'installation du camp et Jacques décida qu'ils attendraient le lendemain pour continuer de descendre. Finalement, le Chinois semblait avoir de bonne notions de géologie, et il entama avec Jacques une longue discussion sur la nature de la roche et sur les raisons supposées du phénomène.
Le lendemain matin, il fallut à Greg encore quatre bonnes heures pour arriver à ce que la sonde avait déterminé comme étant le fond du gouffre. Il avait trouvé encore deux paliers, et l'équipe avait fait suivre une partie du matériel, laissant à chaque point des treuils et des ancrages capables de les remonter. Enfin, en milieu d'après midi, ils se retrouvèrent tous rassemblée dans ce qui semblait être une immense grotte, qui s’engouffrait en pente douce vers l'est. A partir de là, le monde souterrain redevenait normal. Il y avait des rochers aux arrêtes imprécises, des éboulements, des fissures.
Jacques regardait le gouffre au dessus de lui, un parfait cylindre de pierre, au milieu duquel on pouvait voir le disque lumineux du ciel.
- Je suis désolé pour l’hypothèse de la poche de gaz, dit il, mais c'est trop haut et trop régulier.
- Madré, ta poche de gaz, dit Sergio levant la tête a son tour, aurait fait sauter toute cette région. Non, ça ressemble plus à la rampe de lancement d'un missile, et la chaleur de la tuyère aurait pu donner cet effet de vitrification.
- Okay, dit Greg, et il est passé ou, le missile ?
Toutes les têtes se tournèrent ver Chen, qui regardait également en l'air et mit un moment a réaliser qu'il était soudain le centre d’intérêt de tous.
- Non ! Non !, protestât il, levant les mains devant lui, si mon gouvernement avait procédé à des essais secrets, nous n'aurions jamais pu accéder à ce site.
- Bien vu, rugit Greg en lui assénant une grande claque dans le dos, alors on continue a chercher. Ajustant d'un revers d'épaule son sac à dos, il commença a descendre au milieu des rochers, suivant le halo lumineux de sa lampe.
La progression était plus facile. Ils avançaient maintenant dans une gigantesque cathédrale de pierre, une faille immense dans le cœur de la terre qui s'enfonçait doucement. Ils marchèrent comme ça encore deux heures. Le boyau s’enfonçait doucement vers l’est, serpentant entre des blocs de roches plus dure, offrant peu de difficultés, presque comme un chemin de campagne qui descend la pente douce d’une colline. Ils arrivèrent enfin dans une sorte de rotonde, carrefour minéral d’où partaient plusieurs boyaux.
- On se pose là, dit Jacques, demain il fera jour !
- Sous terre il ne fait jamais jour, fit remarquer le Chinois en déposant son sac à ses pieds.
L'Irlandais allait répliquer une de ses vacherie bien sentie, quand Adriana lui saisit le bras, l'arrêtant dans son élan.
- Ce n'est peut être pas le jour, dit elle montrant une des galerie ou sourdait une douce luminescence bleutée, mais ça c'est quoi ?
- Phosphorescence, dit Sergio, venant se placer a côté d'elle.
- Non ! Jacques s'approcha à son tour, scrutant le fond de la galerie. Une phosphorescence c'est verdâtre, pas bleue.
- Madré, reprit l’Italien, on dirait une flamme de gaz, c’est peut être la cuisine du diable !
- ça, lança Greg en passant devant tout le monde, pour le savoir il faut aller voir !
Reprenant leurs sacs, tous lui emboîtèrent le pas, marchant précautionneusement les uns derrière les autres. Au bout de quelques mètres, le sol de la grotte devint moins accidenté, le boyau se rétrécit pour devenir une sorte de tunnel presque régulier.
- Hey le Chinois, lança Greg en direction de Chen, qui fermait la marche, vous êtes sûr que l'on est pas dans une de vos installation militaire.
Chen ne répondit pas, comme tous, il regardait abasourdi ce tunnel visiblement creusé artificiellement, et cette lumière bleue qui grandissait au fur et a mesure de leur avancée.
Quelques mètres encore, et ils débouchèrent dans une grande pièce ronde, baignée dans cette lumière bleue qui semblait sortir de nulle part. La roche était lisse, comme celle du gouffre par lequel ils étaient descendus, comme celle des quelques mètres de couloir qui les avait mené jusque là. La salle était une immense demi sphère, au centre de laquelle trônait une énorme table de pierre dont le plateau devait se trouver à trois mètres du sol. Ils se dispersèrent dans la pièce, rasant les murs, pour en apprécier le lissé, ou pour admirer la voûte qui se perdait dans la lumière bleue. Adriana s'approcha d'un des pied de la table, qui semblait moins lisse et moins poli. Elle posa son sac a terre, et l'ouvrit pour en sortir un piolet et des pitons.
- Qu'est ce que tu fais, demanda Jacques qui était venu la rejoindre.
- C'est un dolmen, dit elle tapotant le pilier devant elle, une table sacrificielle, je grimpe.
- Tu crois qu'il y a quelque chose dessus ?
- Si je grimpe pas, tu saura pas !
Elle planta un premier piton et commença a monter le long du pilier de pierre. Il lui fallu un peu de temps pour franchir le surplomb du plateau et enfin elle se hissa sur la table, soulevant son corps à la force des bras, se mit debout et poussa un cris en se précipitant hors de vue de ses compagnons.
- Quoi ? Hurla Greg alors qu'elle disparaissait.
- Il y a un homme ! Sa voix résonnait sous la voûte comme dans une cathédrale.
- Un squelette, demandât Jacques.
Il y eut un long moment de silence, tous avaient la tête levée, comme pour voir au travers de la pierre ce que faisait la jeune femme.
- Non ! Répondit elle au bout d’un temps qui lui parût des heures, il est vivant.
L'Irlandais venait de dépasser la côte - 640. Au bout de la corde, sa lampe se balançait comme une luciole en folie, explorant les parois du gouffre.
Penché par dessus la maigre corniche du point - 484, Jacques Lemaire surveillait sa progression. Le treuil chuintait doucement, laissant couler le filin dans la pénombre du gouffre.
Un léger choc sur la plate-forme, lui appris qu'Adriana venait de poser le pied derrière lui.
- C'est étroit, dit elle en décrochant son mousqueton de la corde de descente pour le fixer aussitôt sur le filin que Greg avait pitonné contre la paroi. On ferra juste une étape ici, poursuivit elle, on ne peut rien stocker.
Jacques approuva d'un hochement de tête. Toute son attention était concentrée sur la petite lumière, en bas, qui s'agitait comme un feu follet, et sur les mouvements du treuil qui déroulait inlassablement des mètres de corde vers cette obscurité hostile et qui semblait sans fond.
Deux semaines plus tôt, la sonde s'était arrêtée à - 1200 mètres. Ils avaient entamés leur exploration depuis plus de trois heures. Trois heures d'une descente hasardeuse, cherchant désespérément des points d'appuis ou des corniches comme celle sur laquelle ils étaient, mais les parois étaient lisses, comme vitrifiées par le passage d'un forêt géant.
Soudain le treuil s'arrêta, la lumière en bas semblait immobile.
- J'ai une plate-forme, annonça Greg dans la radio, nous allons pouvoir faire un palier là. Jacques soupira, le temps que les autres les rejoignent ils allaient pouvoir souffler.
- Je t'envoie Adriana et un peu de ravitaillement, répondit il, tu dois commencer a fatiguer non ?
- Oui ! une belle paire de fesses et une pinte de bière voila de quoi redonner du cœur a l'ouvrage à un honnête homme.
Jacques sourit, ce soudard d'Irlandais était décidément incorrigible. Depuis plus de vingt ans qu'ils travaillaient ensembles, le géant roux, grand consommateur de jus de houblon et coureur de jupons, n'avait jamais laissé passer une occasion de faire une plaisanterie grivoise.
- La paire de fesses arrive, annonça la jeune femme, apparemment pas choquée et en se penchant sur le vide comme si elle voulait voir son interlocuteur, mais elle a aussi une paire de mains qui pourraient bien mettre du rouge sous tes tâches de rousseur si tu y touche. Quand à la pinte, tu devra te contenter d'eau plate.
- Arrive toujours rabat joie, je me sens seul ici ! Répondit la voix au fond du gouffre, se répercutant à l'infini sur les paroles lisses.
Le filin était remonté, et Adriana s'accrochait à son tour. Son sac à dos contenait de quoi satisfaire l'appétit gargantuesque du géant roux.
- Je t'ai laissé des biscuits et de l'eau, lançât elle à Jacques avant de disparaître à son tour dans les profondeurs.
Il jeta un merci plein de reconnaissance, toujours sans lâcher le treuil de l’œil. Cette fois il avait réuni une bonne équipe. Ils étaient sur le site depuis plus de deux mois, perdus dans le nord de la Chine, entre un désert et une zone militaire, accompagnée par une horde de soldats suspicieux et de l'incontournable géologue Chinois qui fourrait son nez partout. Il avait fallu toute la diplomatie de Célia, l'attachée de presse et de l’ambassadeur des États Unis, pour obtenir enfin des autorités locales, l'autorisation de descendre.
Le gouffre s'était ouvert, dans cette région reculée et sauvage, dans le courant de l'année 2012, suite à un violent séisme. Ou alors, le séisme en avait découlé !
Les Chinois avaient d'importantes installations militaires dans cette région. Il avait fallu des photos satellites sur Google Earth et la curiosité de quelques internautes, pour que l'anomalie soit enfin révélée. Sous le couvert d'un visa touristique, Greg avait réussi a faire un premier voyage sur le site, et a ramener des photos et des prélèvements. C'était un trou étonnamment circulaire, comme si un immense pieu s'était planté dans cette roche volcanique, au nord de Jiuquan, à la lisière du désert de Gobi.
- Non avait dit Greg, alors qu'ils se penchaient sur les premières photos avec Jacques. Regarde la forme festonnée des bords du trou. On dirait plutôt que quelque chose est sorti de terre avec une violence inouïe.
- Mais il n'y a pas de roches de rejet autour.
- Je sais, on dirait l'explosion d'une poche de gaz, mais une poche qui aurait affleuré le sol.
- Tu as pu estimer la profondeur ?
- Non, je me suis fait ramasser très vite par les militaires.
Le rapport fait par Greg, les quelques échantillons et les photos qu'il avait ramené avaient très vite intéressé l'institut géologique Américain, et il avait été décidé de mettre une expédition sur pied pour aller regarder ce phénomène de plus près.
La suite avait été plus compliquée. Il avait fallu plus de deux ans a l'USCG pour convaincre le prudent ambassadeur de Chine qu'une exploration du gouffre ne pouvait en aucun cas mettre en péril ses installations et ses secrets militaires et que quelques scientifiques n'étaient en aucun cas une troupe d'espions Occidentaux. Jacques, en bon expert géologue, avait argué que de telles poches de gaz, si elles étaient répandues dans la région, pouvaient, quand à elles, devenir de véritables dangers. Finalement, le gouvernement Chinois avait accepté a condition que l'expédition comprenne un scientifique national. Le principe posé, il avait fallu une bonne année de plus pour que Jacques arrive a rassembler une équipe capable de répondre a toutes les questions que ce curieux phénomène pouvait poser.
Outre l'Irlandais et lui même, jacques avait recruté Adriana Véroff, spéléologue amateur, certes, mais éminente sismologue, qui tenterai de comprendre la chronologie des événements. Elle possédait en outre, ce qui n'était pas négligeable, de sérieuses connaissances médicales. Le quatrième était Sergio Scabri, ténébreux Sicilien, étonnamment silencieux, pour un Italien, mais gestionnaire efficace et surtout mécanicien de génie. L'équipe au total comportait une douzaine de personnes, mais cinq seulement descendraient en exploration. C'était l'incontournable spécialiste Chinois, qui compléterait le groupe des spéléologues. Il s'appelait Chen Wei et Jacques le soupçonnait fort de n'avoir de scientifique que le nom, et d'être surtout là pour surveiller les agissements du groupe.
Il avait été décidé, après de longues et fastidieuses discutions, qu'il descendrait après Adriana, pour aider Sergio a faire suivre le matériel.
Adriana s'était enfin posée sur une légère excroissance de rocher, mais prolongée par une cavité suffisamment profonde pour accueillir un camp intermédiaire et servir de base de départ pour le reste de l'exploration. Là aussi, les parois semblaient lisses et comme fondues sous l'effet d'un énorme chalumeau.
- Tu as déjà vu ça, demanda le géant roux, au moment ou la jeune femme, après s'être détachée du filin de descente, balayait de sa lampe frontale le plafond de la grotte.
- C'est fou, dit elle, on dirait que la lave a refroidi autour d'un objet qui a disparu.
- Et d'un objet qui serai passé ou ?
Ils étaient encore entrain de faire le tour, examinant les parois lisses et noires, lorsque Jacques posa pied à son tour. Sur le palier supérieur, le matériel arrivait déjà et Chen faisait descendre les premières caisses.
Le restant de la journée fut consacré a l'installation du camp et Jacques décida qu'ils attendraient le lendemain pour continuer de descendre. Finalement, le Chinois semblait avoir de bonne notions de géologie, et il entama avec Jacques une longue discussion sur la nature de la roche et sur les raisons supposées du phénomène.
Le lendemain matin, il fallut à Greg encore quatre bonnes heures pour arriver à ce que la sonde avait déterminé comme étant le fond du gouffre. Il avait trouvé encore deux paliers, et l'équipe avait fait suivre une partie du matériel, laissant à chaque point des treuils et des ancrages capables de les remonter. Enfin, en milieu d'après midi, ils se retrouvèrent tous rassemblée dans ce qui semblait être une immense grotte, qui s’engouffrait en pente douce vers l'est. A partir de là, le monde souterrain redevenait normal. Il y avait des rochers aux arrêtes imprécises, des éboulements, des fissures.
Jacques regardait le gouffre au dessus de lui, un parfait cylindre de pierre, au milieu duquel on pouvait voir le disque lumineux du ciel.
- Je suis désolé pour l’hypothèse de la poche de gaz, dit il, mais c'est trop haut et trop régulier.
- Madré, ta poche de gaz, dit Sergio levant la tête a son tour, aurait fait sauter toute cette région. Non, ça ressemble plus à la rampe de lancement d'un missile, et la chaleur de la tuyère aurait pu donner cet effet de vitrification.
- Okay, dit Greg, et il est passé ou, le missile ?
Toutes les têtes se tournèrent ver Chen, qui regardait également en l'air et mit un moment a réaliser qu'il était soudain le centre d’intérêt de tous.
- Non ! Non !, protestât il, levant les mains devant lui, si mon gouvernement avait procédé à des essais secrets, nous n'aurions jamais pu accéder à ce site.
- Bien vu, rugit Greg en lui assénant une grande claque dans le dos, alors on continue a chercher. Ajustant d'un revers d'épaule son sac à dos, il commença a descendre au milieu des rochers, suivant le halo lumineux de sa lampe.
La progression était plus facile. Ils avançaient maintenant dans une gigantesque cathédrale de pierre, une faille immense dans le cœur de la terre qui s'enfonçait doucement. Ils marchèrent comme ça encore deux heures. Le boyau s’enfonçait doucement vers l’est, serpentant entre des blocs de roches plus dure, offrant peu de difficultés, presque comme un chemin de campagne qui descend la pente douce d’une colline. Ils arrivèrent enfin dans une sorte de rotonde, carrefour minéral d’où partaient plusieurs boyaux.
- On se pose là, dit Jacques, demain il fera jour !
- Sous terre il ne fait jamais jour, fit remarquer le Chinois en déposant son sac à ses pieds.
L'Irlandais allait répliquer une de ses vacherie bien sentie, quand Adriana lui saisit le bras, l'arrêtant dans son élan.
- Ce n'est peut être pas le jour, dit elle montrant une des galerie ou sourdait une douce luminescence bleutée, mais ça c'est quoi ?
- Phosphorescence, dit Sergio, venant se placer a côté d'elle.
- Non ! Jacques s'approcha à son tour, scrutant le fond de la galerie. Une phosphorescence c'est verdâtre, pas bleue.
- Madré, reprit l’Italien, on dirait une flamme de gaz, c’est peut être la cuisine du diable !
- ça, lança Greg en passant devant tout le monde, pour le savoir il faut aller voir !
Reprenant leurs sacs, tous lui emboîtèrent le pas, marchant précautionneusement les uns derrière les autres. Au bout de quelques mètres, le sol de la grotte devint moins accidenté, le boyau se rétrécit pour devenir une sorte de tunnel presque régulier.
- Hey le Chinois, lança Greg en direction de Chen, qui fermait la marche, vous êtes sûr que l'on est pas dans une de vos installation militaire.
Chen ne répondit pas, comme tous, il regardait abasourdi ce tunnel visiblement creusé artificiellement, et cette lumière bleue qui grandissait au fur et a mesure de leur avancée.
Quelques mètres encore, et ils débouchèrent dans une grande pièce ronde, baignée dans cette lumière bleue qui semblait sortir de nulle part. La roche était lisse, comme celle du gouffre par lequel ils étaient descendus, comme celle des quelques mètres de couloir qui les avait mené jusque là. La salle était une immense demi sphère, au centre de laquelle trônait une énorme table de pierre dont le plateau devait se trouver à trois mètres du sol. Ils se dispersèrent dans la pièce, rasant les murs, pour en apprécier le lissé, ou pour admirer la voûte qui se perdait dans la lumière bleue. Adriana s'approcha d'un des pied de la table, qui semblait moins lisse et moins poli. Elle posa son sac a terre, et l'ouvrit pour en sortir un piolet et des pitons.
- Qu'est ce que tu fais, demanda Jacques qui était venu la rejoindre.
- C'est un dolmen, dit elle tapotant le pilier devant elle, une table sacrificielle, je grimpe.
- Tu crois qu'il y a quelque chose dessus ?
- Si je grimpe pas, tu saura pas !
Elle planta un premier piton et commença a monter le long du pilier de pierre. Il lui fallu un peu de temps pour franchir le surplomb du plateau et enfin elle se hissa sur la table, soulevant son corps à la force des bras, se mit debout et poussa un cris en se précipitant hors de vue de ses compagnons.
- Quoi ? Hurla Greg alors qu'elle disparaissait.
- Il y a un homme ! Sa voix résonnait sous la voûte comme dans une cathédrale.
- Un squelette, demandât Jacques.
Il y eut un long moment de silence, tous avaient la tête levée, comme pour voir au travers de la pierre ce que faisait la jeune femme.
- Non ! Répondit elle au bout d’un temps qui lui parût des heures, il est vivant.