Je me réveillai dans une atmosphère étouffante. Les mains moites, les cheveux aussi trempés que si j’avais pris une douche, les gouttes qui perlaient sur mon visage. J’étais en sueur. Je crevais de chaud. J’allai à la salle de bains pour me rafraîchir mais rien n’y faisait, la température ne cessait de monter encore et encore, jusqu’à me forcer à quitter ma chambre d’étudiante pour m’échapper de ce four.
Au passage, je vérifiai la température, qui n’avait pas bougé d’un pouce. Je me frottais les yeux me disant que ce n’était peut-être qu’un cauchemar et que j’allais bien finir par me réveiller. J’ai entendu dire qu’il fallait se pincer dans un rêve pour se réveiller. Dans le couloir du dortoir, désert de toute panique, je me pinçai sans grand résultat. Je commençai à m’inquiéter, d’autant plus que tout était silencieux, pas un seul de mes colocataires n’était réveillés. Étais-je la seule à ressentir cette chaleur oppressante ?
Je me dirigeai vers la sortie lorsque j’ai vu les premières flammes accompagnées d’une fumée épaisse, qui allait tous nous asphyxier si on ne partait pas de là au plus vite. J’ai frappé comme une forcenée à toutes les portes, réveillant les étudiants qui maugréaient me demandant ce qui se passait pour que je les réveille ainsi à trois heures du matin.
« -Venez tous, il faut s’en aller tout de suite, il y a le feu, les flammes ne vont pas tarder à arriver jusqu’à nous, leur dis-je.
- Mais tu es complètement cinglée ma parole, il n’y a aucun feu, c’est quoi ? Un bizutage, une bonne grosse blague ? » me dit Sébastien.
-Je suis sérieuse, dans pas longtemps, nous ne pourrons même plus respirer.
-Bonne nuit me dit-il en me claquant la porte au nez sans oublier de me traiter de pauvre tarée. »
Tous regagnèrent leurs chambres en me riant au nez, promettant qu’ils allaient se venger. Je devais prendre le large, autrement j’allais fondre sur place et puis tant pis s’ils ne voulaient pas m’écouter. Je ne pouvais plus rien pour eux.
Je courus de toutes mes forces, du moins du peu de force qui me restait bravant la fumée, un mouchoir au visage tout en espérant que je ne m’affaiblirais pas, ce qui permettrait aux flammes de me rejoindre. Mes yeux commençaient sérieusement à me piquer, j’avais de plus en plus de mal à respirer quand j’atteignis enfin la sortie. M’éloignant le plus possible du bâtiment, je m’allongeai au sol pour me reposer.
C’est à ce moment-là que je les vis, ma mère, ma sœur et son fils de trois ans prisonniers de cet immeuble en proie aux flammes. Mon cœur s’est mis à battre à cent à l’heure, les yeux embués de larmes, la douleur me transperçait la peau. Affolée, je me dirigeai vers la porte pour aller les sauver. Je retrouvai la porte que j’avais laissée ouverte, fermée à clé. J’entendais leurs cris qui me brisaient de l’intérieur. Ils souffraient, ils brûlaient, ils manquaient de plus en plus d’oxygène. Je devais les sortir de là.
Mon poing s’abattit sur la vitre de la porte une fois deux fois trois fois mais impossible de la briser. Tout ce que je réussissais à faire, c’était de m’éclater la main tout en assistant à cet effroyable spectacle pendant que les étudiants postés derrière ma famille souriaient tout en me filmant. Je ne ressemblais plus à une jeune fille mais à une loque, une serpillère que l’on aurait laissée traîner par terre après le ménage. Le feu me prenait ma famille, je ne pouvais rien faire pour les sauver et tout le monde s’en fichait.
Je me levai le lendemain avec pour seule envie d’appeler ma famille pour vérifier que tout allait bien. Le téléphone sonna, sonna encore et encore me plongeant dans l’angoisse la plus totale. Plus tard dans la journée, je lus un article montrant les photos de ma famille qui avait péri dans un grave incendie criminel.