J’ai fait un rêve. Il était agréable, il m’emportait loin de ce morne quotidien. J’étais lovée dans tes bras. J’avais l’air heureuse. Pour une fois, ton regard n’était pas dur, mais tendre. Cette fois-ci, tes mains se faisaient caressantes. Elles parcouraient mon corps, je ressentais des frissons. Tes doigts fouillaient mes cheveux, amoureusement. Nous étions enlacés comme deux fiancés. J’étais apaisée. Mes angoisses s’étaient envolées. Tu me parlais avec des mots doux. Les soucis n’existaient plus. L’avenir me semblait si évident : on se marierait et on aurait des enfants qu’on regarderait grandir. C’était un songe merveilleux, on aurait pu réaliser tout cela, si...
Au petit matin, la lueur blafarde du jour m’a réveillée. J’avais un peu froid.
Je me suis souvenue de notre rencontre, l’été, sur la plage. Je campais avec mes parents. J’étais libre. Tu m’as regardée avec insistance. Ce jour-là, j’avais mis mon bikini à franges, celui qui laissait deviner l’ampleur de ma poitrine. Tu m’as séduite. Nous nous sommes rapprochés. Tes mains ont effleuré mon ventre. Allongés sur le sable, loin de la foule, nous avons commencé à nous découvrir langoureusement. J’ai aimé tes baisers. Tes lèvres étaient douces et chaudes. Des cheveux longs entouraient ton visage angélique. Ton sourire me faisait craquer. Tes bras solides enserraient ma taille. Je me sentais protégée. Tu comptais tellement pour moi, à ce moment-là.
Puis, tout est allé très vite. Mes parents n’ont pas eu leur mot à dire. Nous avons emménagé ensemble. J’étais juste majeure. Tu partais travailler et tu revenais le soir. Je n’avais qu’à m’occuper de notre intérieur. Tout était impeccable. Cette plénitude n’a pas duré longtemps. Peut-être six mois, tout au plus. Mon corps ne t’intéressait plus. Tu étais sombre, tourmenté. Je t’interrogeais, mais cela ne faisait que décupler ta fureur.
Un jour, tu m’as traitée de « nulle », d’« incapable ». J’ai encaissé sans rien dire. J’ai pleuré dans la salle de bains. Je ne comprenais pas. J’avais certainement mal agi, mais je ne voyais pas quand. Je me suis mise à me ronger les ongles jusqu’au sang.
Je regarde mes mains écorchées, mes jambes couvertes de bleus. Comment a-t-on pu en arriver là ?
J’étais une jeune fille à peine sortie de l’adolescence. Tu m’as prise sous ton aile. Tu m’as fait découvrir l’amour. Nous étions un petit couple sans histoires, au début. Peut-être étais-je trop naïve. J’avais lu des livres romantiques. Je rêvais de vivre une passion. J’ai cru que c’était toi.
Soudain, la spirale infernale de la jalousie t’a tenu éloigné de moi. Sans que je n’aie pu rien y faire. Je ne réagissais pas quand tu devenais violent. Il me semblait même que je méritais cette gifle.
Je devins peu à peu négligée. Je me suis recroquevillée dans cet appartement qui est devenu progressivement ma cage. Pas une cage dorée, pas de celle dont on rêve. Je ne suis plus sortie. J’étais à toi.
À chaque repas, l’occasion était trop belle de t’énerver pour un rien. Ton regard sur moi a changé. Il n’y avait plus d’admiration, juste du dédain, du dégoût. Je ne pouvais plus choisir mes habits, ma façon de me maquiller. Tu as décidé à chaque instant de ce qui était bien pour moi. Je n’avais pas le droit de me rebeller. Pourtant j’avais du caractère, avant.
J’ai senti mon corps s’affaiblir, se ramollir. J’acceptais les remontrances et les insultes sans rechigner. Je cachais mes bleus. Je ne voyais plus mes proches.
Je vais être jugée demain devant ma famille, la tienne, nos anciens amis. Mon visage va s’étaler dans tous les journaux, être scruté par tous les journalistes attirés par les faits divers à sensation.
J’ai reçu des milliers de lettres de femmes qui me soutiennent, et des dizaines d’autres qui me menacent. Peu importe, je suis prête. Je me suis préparée à ce moment. Ces douze années de vie commune ne pourront pas s'effacer d'un trait de stylo.
Je sais seulement que cette couche crasseuse et la solitude à laquelle je n’étais plus habituée valent mieux que l’enfer dans lequel je vivais. Le quotidien auprès de toi m’était devenu insupportable. Il fallait que les choses cessent. Je vais pouvoir commencer à exister.
Sans toi.
J’ai gardé avec moi une vieille photo écornée, témoin de notre amour passé. Je la regarde souvent pour ne pas oublier qu’un jour, je t’ai aimé.
Au petit matin, la lueur blafarde du jour m’a réveillée. J’avais un peu froid.
Je me suis souvenue de notre rencontre, l’été, sur la plage. Je campais avec mes parents. J’étais libre. Tu m’as regardée avec insistance. Ce jour-là, j’avais mis mon bikini à franges, celui qui laissait deviner l’ampleur de ma poitrine. Tu m’as séduite. Nous nous sommes rapprochés. Tes mains ont effleuré mon ventre. Allongés sur le sable, loin de la foule, nous avons commencé à nous découvrir langoureusement. J’ai aimé tes baisers. Tes lèvres étaient douces et chaudes. Des cheveux longs entouraient ton visage angélique. Ton sourire me faisait craquer. Tes bras solides enserraient ma taille. Je me sentais protégée. Tu comptais tellement pour moi, à ce moment-là.
Puis, tout est allé très vite. Mes parents n’ont pas eu leur mot à dire. Nous avons emménagé ensemble. J’étais juste majeure. Tu partais travailler et tu revenais le soir. Je n’avais qu’à m’occuper de notre intérieur. Tout était impeccable. Cette plénitude n’a pas duré longtemps. Peut-être six mois, tout au plus. Mon corps ne t’intéressait plus. Tu étais sombre, tourmenté. Je t’interrogeais, mais cela ne faisait que décupler ta fureur.
Un jour, tu m’as traitée de « nulle », d’« incapable ». J’ai encaissé sans rien dire. J’ai pleuré dans la salle de bains. Je ne comprenais pas. J’avais certainement mal agi, mais je ne voyais pas quand. Je me suis mise à me ronger les ongles jusqu’au sang.
Je regarde mes mains écorchées, mes jambes couvertes de bleus. Comment a-t-on pu en arriver là ?
J’étais une jeune fille à peine sortie de l’adolescence. Tu m’as prise sous ton aile. Tu m’as fait découvrir l’amour. Nous étions un petit couple sans histoires, au début. Peut-être étais-je trop naïve. J’avais lu des livres romantiques. Je rêvais de vivre une passion. J’ai cru que c’était toi.
Soudain, la spirale infernale de la jalousie t’a tenu éloigné de moi. Sans que je n’aie pu rien y faire. Je ne réagissais pas quand tu devenais violent. Il me semblait même que je méritais cette gifle.
Je devins peu à peu négligée. Je me suis recroquevillée dans cet appartement qui est devenu progressivement ma cage. Pas une cage dorée, pas de celle dont on rêve. Je ne suis plus sortie. J’étais à toi.
À chaque repas, l’occasion était trop belle de t’énerver pour un rien. Ton regard sur moi a changé. Il n’y avait plus d’admiration, juste du dédain, du dégoût. Je ne pouvais plus choisir mes habits, ma façon de me maquiller. Tu as décidé à chaque instant de ce qui était bien pour moi. Je n’avais pas le droit de me rebeller. Pourtant j’avais du caractère, avant.
J’ai senti mon corps s’affaiblir, se ramollir. J’acceptais les remontrances et les insultes sans rechigner. Je cachais mes bleus. Je ne voyais plus mes proches.
Je vais être jugée demain devant ma famille, la tienne, nos anciens amis. Mon visage va s’étaler dans tous les journaux, être scruté par tous les journalistes attirés par les faits divers à sensation.
J’ai reçu des milliers de lettres de femmes qui me soutiennent, et des dizaines d’autres qui me menacent. Peu importe, je suis prête. Je me suis préparée à ce moment. Ces douze années de vie commune ne pourront pas s'effacer d'un trait de stylo.
Je sais seulement que cette couche crasseuse et la solitude à laquelle je n’étais plus habituée valent mieux que l’enfer dans lequel je vivais. Le quotidien auprès de toi m’était devenu insupportable. Il fallait que les choses cessent. Je vais pouvoir commencer à exister.
Sans toi.
J’ai gardé avec moi une vieille photo écornée, témoin de notre amour passé. Je la regarde souvent pour ne pas oublier qu’un jour, je t’ai aimé.