Rose, une ci-belle couleur. Aux antipodes de la vie que mène Luco.
Il ne peut pas dire qu’il voit la vie en rose. Ce n’est pas dans sa conception. Depuis tout, petit, il a appris a vivre avec une seule couleur. Enfin presque. Il voit tout en noir et gris. Disons que les moments de mieux sont moins mauvais que les autres. Il le sait ça ne passera peut-être jamais.
17 ans qu’il se bat avec une maladie qui ne passe pas. Le moment où il pense que ça va aller, tout recommence à s’emballer. Son système ne veut pas se battre correctement. Des essais, il en a fait plein. Aucun n’a eu de résultats. Sur une période de quelques jours oui, mais après fini. C’est comme si son corps s’était habitué aux traitements. Un peu comme un animal résistant à un poison.
Personne ne comprend comment il peut survivre depuis sa naissance. Le jour où il est sorti de la salle d’accouchement on a vu tout de suite que ça n’allait pas. Jamais il n’a pu quitter cet hôpital. Dehors, lui est inconnu. Il n’a jamais mis les pieds en dehors de sa chambre stérile et des couloirs. Trop faible pour sortir. On ne sait pas comment le faire aller mieux. Il est atteint d’une forme de cancer qui ne bouge pas ou peu, mais qui ne se guérie pas. Enfin, il est assez rare d’en venir à bout, même en prenant à temps.
Dans son cas le cancer avant commencé à se développer dans le ventre de sa mère. Un gêne qui lui a été transmit par son grand-père parait-il. On ne sait pas vraiment si c’est ça ou non. La seule option est celle-ci. Le père et la mère n’ont rien. La grand-mère non plus. Ce sont les seules personnes qui ont pu être testées.
Luco voudrait bien aller faire un tour dehors, mais on le lui interdit. Depuis un an, environ ses idées ne tournent plus qu’autour de sa vie prenant un tournant tragique.
Il n’en parle à personne par crainte des conséquences. Il ne veut pas imposer ça à sa famille proche. Des amis ? il n’en n’a que peu. Difficile d’en avoir là où il se trouve. C’est le cadet de ses soucis pour le moment. À quoi il pense ? Sa mort.
Apparemment, on ne peu lui donner de pronostic mais, il ne veut plus continuer.
Pour le moment, il fait comme si, de rien. Pas question qu’on se doute de ses plans. Un jour de septembre, il se décide à écrire une lettre. Un adieu dans un texte serait plus simple que de vive voit. Mais comment allait-il faire sans se faire remarquer. Le soir, quand il est sans surveillance ? Pourquoi pas ! ça se tente. Il prend une feuille, un stylo et commence cet exercice fastidieux.
Pas question de faire n’importe quoi. Une lettre est le reflet d’une personne. Il faut ressentir chaque mot. Une fois fini, il la pose sur son oreiller. Soigneusement, il débranche chacun de ses fils et éteint les machines qui y sont rattachées. Pas question qu’une sonnerie retentisse dans sa chambre. On l’attraperait aussitôt. Après avoir tout vérifier, il enfile une veste, ouvre la fenêtre et commence à descendre. Il y a un bâtiment désaffecté non loin de là. Il sait d’avance le chemin à suivre. Internet l’a aidé à tout mettre en œuvre. C’est un peu comme une mission impossible.
Le cœur s’emballe au moment de franchir la limite. Bonne, mauvaise idée ? Il n'y a qu’en essayant qu’on peut savoir. Une minute et il se retrouve dehors. Personne ne l’a vu pour le moment. La respiration devient un peu difficile. Un corps faible, mais un mental bien décidé à en finir.
Luco ne se retourne pas. Il court le plus vite possible. Le seul chemin est la loge d’accueil. Comment passer ? Au niveau du poste, il se baisse pour ne pas être vu. L’agent de sécurité à l’air de dormir.
Une fois passer, courir n’est plus une simple option. Sa vie en dépend.
Il aurait bien demandé au personnel de l’hôpital de l’aider à partir, mais c’est interdit par la loi. Et ses parents n’auraient pas voulu qu’on le laisse sans rien faire en cas d’arrêt cardiaque ou autre. Il les a entendus en parler avec le médecin. Il y avait aussi un papier à signer.
Toutes ses informations sont gravées dans sa mémoire. En attendant, il arrive dans l’immeuble abandonné de son choix. Ce sera parfait pour dormir. Le sommeil de la belle au bois dormant est son désir le plus cher.
Il est parti au bon moment. L’infirmier arrive une heure plus tard, découvrant le lit vide. Il sonne l’alarme de disparition. Au moment où il trouve la lettre. Ni une ni deux il la saisit et ouvre le papier plié en quatre.
Les mots sont glaçants. On ne dirait pas un jeune adolescent de 17 ans. Le soignant ne comprend pas ce qu’il lit. Enfin, il ne veut pas le croire.
C’est trop tard la machine est lancée. Luco est en train de partir, laissant derrière lui l’image d’un homme ayant eu la vie en rose.