Chaque jour qui passait me voyait penché sur le clavier de ma machine, gravant dans le papier, à coups répétés de fins caractères, une histoire qui semblait plutôt dépendre d’un simple hasard que d’une volonté qui aurait été mienne, soutenue par la nécessité de quelque raison. Comme au sein d’un somptueux mystère, les mots se déposaient sur la page blanche un peu à la façon dont un grésil voltige dans le blizzard ne sachant ni le lieu de sa provenance, ni celui de son étonnant périple, pas plus que de sa fin, sans doute une chute dans quelque ornière vêtue de rien. Autrement dit mon existence, ici, sous les toits emplis de brume, ressemblait davantage aux rivages incertains d’un songe qu’à l’accomplissement d’une tâche inscrite dans le chiffre impérieux du destin. Je dois avouer, j’aimais cette manière de subtil flottement, entre deux airs, entre deux eaux, ne sachant, à vrai dire, quelle terre recevrait l’empreinte de mes pas et si même, un jour improbable, il m’était donné de fouler cette argile dont mes pieds ne conservaient même plus le souvenir, juste une lointaine saveur perdue dans l’antique corridor de la mémoire.